Olivier Cimelière vient de publier « Entreprises, et si vous arrêtiez le coup de com’ ? » Ancien journaliste et aujourd’hui communicant, il dénonce les politiques de communication à courte vue, les feux de paille médiatiques et les tactiques médiatiques à l’emporte-pièce. Tout en rappelant les règles à respecter quand un « coup de com' » est nécessaire ou pertinent. Entretien.
Olivier Cimelière est consultant en communication corporate, communication de crise, relations presse, et stratégie éditoriale.
Journalisme Magazine : Quels sont les pires coups de com donc vous ayez eu connaissance à la fois en tant que journaliste et en tant que communicant ?
Olivier Cimelière : En tant que journaliste, j’ai eu de la chance. Je n’ai jamais vraiment été exposé à un coup de com. Néanmoins, j’ai eu à faire face à quelque chose de similaire et qui est franchement irritant. Lorsque je travaillais à la République du Centre à Orléans, une communicante me harcelait régulièrement pour que j’écrive un article à propos de son entreprise. Il n’y avait pourtant aucune actualité qui le justifiait. Je déclinais donc à chaque fois. Puis, cette même entreprise a dû annoncer un plan de restructuration. J’ai aussitôt contacté la dite personne qui était soudainement aux abonnés absents ! Il a fallu que je passe par les organisations syndicales pour avoir des informations. Cette façon de concevoir un journalisme comme un instrument de promotion et rien d’autre, persiste encore malheureusement aujourd’hui.
Quelles ont été les pires conséquences de « coups de com » mal préparés ou tout
simplement ratés ?
OC : Je songe spontanément au coup de com’ raté des 3 Suisses en janvier 2015 après
l’attentat contre Charlie Hebdo. A l’époque, le logo noir et blanc « Je suis Charlie » était
devenu le point de ralliement pour tous ceux et toutes celles qui voulaient manifester leur
émotion et leur soutien. Le site marchand a décidé d’aller plus loin pour se faire sans doute
plus remarquer dans le concert des messages très nombreux. Il a détourné le logo « Je suis Charlie » en y insérant son propre nom puis l’a affiché un peu partout sur les réseaux sociaux. L’initiative a effectivement rencontré un vif écho mais pas dans le sens voulu. La marque s’est fait étriller et a été accusée de récupération mercantile charognarde. Le pire est qu’elle est restée dans le déni dans un premier temps en cherchant à se justifier. Les commentaires critiques ont alors redoublé et 3 Suisses a dû retirer son piteux coup de com’. Avec au passage, une réputation bien endommagée.
Est-ce qu’un coup de com’ réussi peut aussi avoir des conséquences négatives ? Et
si oui, lesquelles, par exemple ?
OC : A mes yeux, l’enjeu ne se pose pas tellement dans ces termes. En soi, tenter un coup
de com’ n’est pas répréhensible si l’auteur est légitime à le faire et que cela sert positivement
sa cause ou son message. Les soucis commencent lorsqu’on abuse de cette technique de
communication. Or malheureusement, la tendance actuelle est à l’inflation excessive des
coups de com. Tout est bon pour faire parler de soi pourvu que cela suscite des retombées
médiatiques. A ce jeu délétère, les politiques sont les plus fervents adeptes. Dans un univers
médiatique saturé en permanence où une news en chasse une autre rapidement, ils sont à
l’affût de tout ce qui peut faire le buzz. C’est devenu le règne de la petite phrase clivante, de
l’annonce cosmétique et de l’ubiquité médiatique. C’est en cela que le coup de com’ a une
connotation péjorative et négative.
Une entreprise doit-elle par principe s’interdire les coups de com’ ? Et si oui,
comment les remplacer par une communication ponctuelle ou de crise efficaces ?
OC : Ma réponse est clairement non mais il y a des conditions à respecter pour que le coup
de com’ soit crédible et efficace. L’émetteur doit être légitime et pertinent. Par exemple,
lorsque Nike s’est engagé sur le sujet de la discrimination des Noirs aux États-Unis, la
marque était fondée à le faire. Une large partie de son public est concernée. En 2018, Nike a fait campagne avec le joueur de foot américain et symbole de la lutte antiraciste, Colin
Kaepernick. La marque a récidivé lors du mouvement Black Lives Matter et personne ne le lui a reproché. En revanche, quand Amazon a rejoint les protestations, les dents ont grincé.
L’entreprise compte 34,7 % de salariés blancs contre 26,5 % de salariés noirs qu’on retrouve
essentiellement parmi les salaires les plus bas dans les entrepôts.
Enfin, il y a des temporalités et des contextes à intégrer pour recourir ou non au coup de
com’. Si une entreprise est en crise ou affronte des difficultés économiques et/ou sociales, ce
n’est certainement pas le moment idoine de tenter une opération de ce genre. Cela serait
très mal perçu. Il faut aussi user du coup de com’ avec modération et ne pas en faire un
mode d’action constant. De même pour les causes ! Il y a des sujets qui ne se prêtent pas au
coup de com’. On l’a vu avec les 3 Suisses. La recherche de visibilité ne doit pas occulter la
responsabilité du communicant.
Propos recueillis par L. Calixte.
« Entreprises, et si vous arrêtiez le coup de com’ ? » Olivier Cimelière, éd. Eyrolles, 19,90 euros.